Le cadre juridique des acquisitions hostiles et des mesures de défense dans le droit des sociétés japonais

Dans le marché des capitaux japonais ces dernières années, l’environnement entourant le contrôle des entreprises a considérablement changé. Les acquisitions d’entreprises sans le consentement de la direction de la cible, autrefois rares, appelées « acquisitions non consenties » ou « acquisitions hostiles », deviennent de plus en plus une présence notable. Dans un tel contexte, la compréhension des mesures légales que les entreprises peuvent prendre pour protéger leur valeur, à savoir les stratégies de défense contre les acquisitions, n’est plus un sujet de discussion réservé à quelques experts, mais fait partie intégrante de la gouvernance fondamentale en gestion d’entreprise. L’objectif des stratégies de défense contre les acquisitions ne se limite pas à protéger la position de la direction (autodéfense de la direction). Leur essence réside dans le fait qu’elles fonctionnent comme un moyen important pour le conseil d’administration de maintenir et d’améliorer la valeur de l’entreprise à moyen et long terme, dans l’intérêt commun de tous les actionnaires. Les règles dans ce domaine ne sont pas fixes. Elles sont constamment mises à jour, en particulier grâce à l’accumulation de jurisprudences importantes par les tribunaux japonais et des lignes directrices gouvernementales telles que les « Principes de conduite pour les acquisitions d’entreprises » publiés par le Ministère de l’Économie, du Commerce et de l’Industrie en 2023 (Reiwa 5). En conséquence, les entreprises entrent dans une ère où elles sont appelées à se préparer à se défendre tout en répondant sérieusement aux propositions d’acquisition légitimes, nécessitant une approche dynamique et complexe. Cet article explique en détail, d’un point de vue spécialisé, la structure légale des stratégies de défense contre les acquisitions hostiles basées sur le droit des sociétés au Japon, les principales méthodes et les jurisprudences clés ainsi que les tendances récentes qui déterminent leur acceptabilité.
Les principes fondamentaux des mesures de défense contre les prises de contrôle hostiles en vertu du droit des sociétés japonais
Le droit des sociétés japonais ne contient pas de dispositions qui réglementent directement les mesures de défense contre les prises de contrôle. Le pouvoir du conseil d’administration d’adopter de telles mesures découle des obligations légales fondamentales qu’il doit à la société. Plus précisément, les administrateurs ont l’obligation, en vertu de leur contrat de mandat avec la société, d’exercer leurs fonctions avec le soin d’un bon gestionnaire (devoir de diligence). Cela résulte de l’application aux administrateurs de l’article 644 du Code civil japonais par l’intermédiaire de l’article 330 du droit des sociétés japonais. De plus, l’article 355 du droit des sociétés japonais stipule que les administrateurs ont le devoir de respecter les lois, les statuts et les résolutions de l’assemblée générale des actionnaires, et d’exercer leurs fonctions fidèlement pour le compte de la société (devoir de loyauté).
Sur la base de ces obligations, les tribunaux et les autorités gouvernementales japonais ont établi deux principes directeurs pour juger de la légalité des mesures de défense contre les prises de contrôle.
Le premier est le « principe de la valeur de l’entreprise et de l’intérêt commun des actionnaires ». Selon ce principe, toute mesure de défense doit avoir pour objectif de protéger ou d’améliorer la valeur intrinsèque de la société, c’est-à-dire la valeur de l’entreprise, et l’intérêt commun qui en découle pour l’ensemble des actionnaires. Les mesures de défense dont le principal objectif est de maintenir la position de la direction ne sont pas justifiées. Ce principe a joué un rôle central dans la décision de la Cour suprême dans l’affaire Bulldog Sauce et dans les directives du ministère de l’Économie, du Commerce et de l’Industrie.
Le second est le « principe de la volonté des actionnaires ». Le changement de contrôle d’une société est l’une des questions les plus importantes pour les actionnaires, propriétaires de la société. Par conséquent, la décision finale doit être laissée à la discrétion des actionnaires. Ce principe sert de base pour que les tribunaux reconnaissent une forte légitimité aux mesures de défense soutenues par la volonté des actionnaires, exprimée par une résolution de l’assemblée générale des actionnaires, basée sur des informations claires et suffisantes.
Il existe une tension essentielle entre ces deux principes. Le conseil d’administration, sur la base du devoir de diligence, peut juger qu’une offre de prise de contrôle, même si elle offre une prime à court terme, nuit à la valeur à long terme de la société. D’un autre côté, certains actionnaires peuvent privilégier les bénéfices à court terme et voir la résistance du conseil d’administration comme une forme d’autoprotection. La justice japonaise, en particulier depuis l’affaire Bulldog Sauce, a montré une voie pour résoudre cette tension. Au lieu d’intervenir directement dans les décisions de gestion du conseil d’administration, les tribunaux accordent une importance particulière à savoir si la protection de la « valeur de l’entreprise » avancée par le conseil d’administration est approuvée par la « volonté des actionnaires », exprimée par une majorité écrasante lors de l’assemblée générale des actionnaires. Autrement dit, le « principe de la volonté des actionnaires » fonctionne comme un mécanisme clé pour garantir la légitimité du « principe de la valeur de l’entreprise et de l’intérêt commun des actionnaires ». Cela a déplacé le champ de bataille principal des tribunaux vers l’assemblée générale des actionnaires.
Mesures de défense préventives en temps de paix : Préparation à l’avance
Les mesures de défense préventives en temps de paix désignent des dispositions préventives mises en place avant la matérialisation d’une menace d’acquisition spécifique. Elles sont généralement introduites par des modifications des statuts de l’entreprise, qui requièrent une résolution spéciale de l’assemblée générale des actionnaires.
L’une de ces mesures est la “golden share” (action de préférence avec droit de veto). Il s’agit d’un type spécial d’actions qui confère un droit de veto sur des questions cruciales pour l’entreprise, telles que les fusions ou la nomination et la révocation des administrateurs. Pour que cette mesure de défense soit efficace, il est nécessaire que ces actions soient détenues non pas par la direction elle-même, mais par un tiers stable et amical envers la direction.
Une autre mesure est la “clause de majorité absolue”, également introduite par une modification des statuts. Elle consiste à augmenter le seuil de votes favorables requis pour des résolutions importantes, telles que la révocation des administrateurs, d’une simple majorité à un niveau extrêmement élevé, comme 90 %. Cela a pour effet d’augmenter considérablement le coût d’acquisition des actions nécessaires pour que l’acquéreur établisse un contrôle effectif, réduisant ainsi son désir d’acquisition.
En parallèle de ces techniques, la mesure de défense préventive en temps de paix la plus courante et la plus sophistiquée au Japon est la “mesure d’alerte préalable”, communément appelée “pilule empoisonnée”, que nous détaillerons ensuite.
Explication détaillée des mesures de défense préventives (Poison Pill) sous le droit japonais
Les mesures de défense préventives, communément appelées “Poison Pill”, constituent la stratégie de défense la plus largement adoptée au Japon pour dissuader les prises de contrôle hostiles par des acquéreurs.
Le mécanisme central de cette stratégie repose sur l’attribution gratuite de droits de souscription d’actions, conformément aux articles 277 à 279 de la loi japonaise sur les sociétés. Les entreprises mettent en place un plan qui, avec l’approbation préalable de l’assemblée générale des actionnaires, permet l’attribution gratuite de ces droits en cas de survenance de certains événements. Ces droits de souscription d’actions permettent aux actionnaires existants d’acquérir de nouvelles actions à un prix significativement plus avantageux que le prix du marché. La caractéristique la plus importante de ce plan est qu’il contient des conditions d’exercice discriminatoires qui excluent l’acquéreur hostile et ses affiliés. Lorsque la mesure de défense est déclenchée, tous les actionnaires, à l’exception de l’acquéreur, peuvent exercer ce droit, entraînant une augmentation explosive du nombre total d’actions émises. En conséquence, la part de l’acquéreur dans le capital de l’entreprise est considérablement diluée, rendant nécessaire un financement supplémentaire bien au-delà de ce qui était prévu initialement pour compléter l’acquisition, ce qui a pour effet de le dissuader de poursuivre son offre.
De nombreuses mesures de type Poison Pill au Japon sont conçues comme des “mesures préventives”. L’entreprise publie un ensemble de règles lors de l’adoption de la mesure de défense. Ces règles définissent généralement l’acquisition d’un certain pourcentage des actions de l’entreprise (par exemple, 20 %) comme un “événement déclencheur”. Les règles exigent que l’acquéreur potentiel fournisse des informations suffisantes sur l’objectif de l’acquisition, les sources de financement et le plan de gestion après l’acquisition, et garantissent un délai raisonnable (par exemple, 60 à 90 jours) pour que le conseil d’administration puisse évaluer ces informations. Si l’acquéreur ne suit pas cette procédure, le conseil d’administration peut activer le Poison Pill. En revanche, si l’acquéreur respecte la procédure, le conseil d’administration évaluera la proposition et exprimera son avis favorable ou défavorable aux actionnaires, qui prendront la décision finale.
Pour éviter un déclenchement arbitraire par la direction et assurer l’équité de la procédure, la plupart des mesures de défense prévoient la mise en place d’un “comité indépendant”. Ce comité est composé de membres indépendants de la direction, tels que des administrateurs externes, des auditeurs externes et des experts indépendants. Son rôle est de juger objectivement si l’acquéreur a respecté les règles et si l’activation de la mesure de défense est conforme à l’intérêt commun des actionnaires, et de faire des recommandations au conseil d’administration. Il est attendu que le conseil d’administration respecte au maximum la décision de ce comité indépendant.
La valeur stratégique de cette mesure de défense réside dans son rôle de puissant dissuasif. De plus, en cas de proposition d’acquisition, elle offre au conseil d’administration le temps et le levier nécessaires pour négocier de meilleures conditions ou chercher un acquéreur amical (chevalier blanc), tout en préservant l’opportunité de le faire. Cependant, elle est également perçue par certains investisseurs institutionnels comme un relâchement de la discipline de gestion, pouvant avoir un impact négatif sur le cours de l’action, et comporte toujours le risque de voir des actions en justice intentées par l’acquéreur ou des actionnaires opposés pour empêcher l’émission de nouveaux droits de souscription d’actions.
La fonction essentielle du Poison Pill japonais réside moins dans l’effet financier de la dilution des actions que dans le “processus” qu’il impose. Le cadre préventif est un mécanisme de gouvernance avancé qui corrige les asymétries d’information et impose un dialogue structuré. La force des acquéreurs hostiles réside souvent dans l’acquisition rapide d’actions sur le marché, mais le Poison Pill neutralise cette attaque surprise. Si l’acquéreur continue d’acheter des actions sans suivre les règles établies, le conseil d’administration peut déclencher des mesures de défense légalement justifiées. Cela oblige l’acquéreur à s’asseoir à la table des négociations en suivant la procédure établie ou à abandonner l’acquisition. Ce processus transforme le débat sur la pertinence de l’acquisition d’une simple transaction financière en une question de valeur à long terme et de stratégie de gestion de l’entreprise. La présence d’un comité indépendant confère objectivité et équité à ce processus, rendant difficile pour les tribunaux de renverser les décisions du conseil d’administration. Ainsi, la plus grande valeur du Poison Pill réside dans le contrôle du temps et du flux d’informations, créant une situation où les actionnaires peuvent prendre une décision finale basée sur un débat équitable et bien informé, plutôt que de prendre une décision précipitée sous pression.
Stratégies de défense activées en cas de menace : Réponse directe aux tentatives d’acquisition hostiles
Augmentation de capital par attribution à des tiers
Les stratégies de défense activées en cas de menace sont des mesures de riposte déployées de manière urgente après qu’une proposition d’acquisition hostile a été rendue publique.
Un exemple emblématique est l’« augmentation de capital par attribution à des tiers ». Cette méthode consiste pour une entreprise à émettre de nouvelles actions et à les attribuer à un tiers amical, appelé « chevalier blanc », afin de diluer la participation de l’acquéreur hostile. Cependant, cette technique est juridiquement très risquée. L’article 210 de la Loi sur les sociétés japonaise stipule que les actionnaires peuvent demander l’annulation de l’émission de nouvelles actions si celle-ci est réalisée par des moyens « considérablement injustes ». Les tribunaux ont tendance à juger illégale une telle émission si le « but principal » n’est pas de lever des fonds légitimes, mais de maintenir le contrôle de la direction actuelle. L’affaire Nippon Broadcasting (ニッポン放送事件) a démontré que les critères de justification pour une telle émission sont extrêmement élevés. De plus, l’émission de nouvelles actions à un « prix particulièrement avantageux » nécessite une résolution spéciale de l’assemblée générale des actionnaires en vertu de l’article 199, paragraphe 3, de la Loi sur les sociétés japonaise.
Joyaux de la couronne
Les « joyaux de la couronne » font également partie des stratégies de défense activées en cas de menace. Ils consistent pour l’entreprise cible d’une acquisition à vendre ou à s’engager à vendre à un tiers ses activités ou actifs les plus précieux (les joyaux de la couronne), afin de réduire l’attrait de l’entreprise pour l’acquéreur et de décourager son désir d’acquisition. Si cette action correspond à un « transfert d’activité importante », une résolution spéciale de l’assemblée générale des actionnaires est nécessaire selon la Loi sur les sociétés japonaise. De plus, une telle vente d’actifs peut être considérée comme un acte de destruction délibérée de la valeur de l’entreprise, exposant les administrateurs qui l’ont approuvée à un risque significatif de responsabilité pour violation de leur devoir de diligence.
Rachat d’actions propres
Le « rachat d’actions propres » est également utilisé comme mesure de défense. En rachetant ses propres actions sur le marché avec ses fonds propres, l’entreprise peut réduire le nombre d’actions flottantes disponibles pour l’acquéreur et espérer une augmentation du cours de l’action. Cette procédure est strictement réglementée par les articles 155 et suivants de la Loi sur les sociétés japonaise. L’entreprise doit préalablement fixer un cadre pour le rachat d’actions propres (nombre d’actions pouvant être rachetées, montant total, etc.) par une résolution de l’assemblée générale des actionnaires (article 156 de la Loi sur les sociétés japonaise), et doit respecter la « réglementation des ressources financières », qui autorise le rachat uniquement dans la limite des bénéfices distribuables afin de préserver la base patrimoniale de l’entreprise et de protéger les créanciers (article 461 de la Loi sur les sociétés japonaise).
Risques associés aux stratégies de défense activées en cas de menace
Les risques juridiques et de responsabilité fiduciaire associés à ces stratégies de défense activées en cas de menace rendent leur mise en œuvre rare au Japon, ce qui a contribué à la popularisation des pilules empoisonnées de type préventif, qui bénéficient de l’approbation préalable des actionnaires. Les mesures de défense en cas de crise sont des réactions prises sous une pression extrême par le conseil d’administration. L’augmentation de capital par attribution à des tiers au profit d’un chevalier blanc est une manipulation directe du contrôle de l’entreprise, vue avec un grand scepticisme par les tribunaux, et comme l’a montré l’affaire Nippon Broadcasting, le conseil d’administration a la lourde charge de prouver que l’acquéreur agit de manière abusive. Les joyaux de la couronne représentent un acte qui semble violer le devoir de diligence, car il implique une destruction active de la valeur de l’entreprise. Agir sans le consentement préalable des actionnaires expose les administrateurs à une responsabilité légale personnelle. En revanche, les pilules empoisonnées de type préventif, régulièrement approuvées par l’assemblée générale des actionnaires, fournissent au conseil d’administration une arme préalablement autorisée. Cette approbation des actionnaires constitue un bouclier puissant, indiquant que la posture défensive du conseil d’administration est en accord avec la volonté des actionnaires. Ainsi, le système juridique japonais incite fortement les entreprises à établir une gouvernance préventive plutôt que de réagir de manière réactive en temps de crise.
L’acceptabilité des mesures de défense contre les acquisitions vues à travers la jurisprudence japonaise
Deux cas judiciaires révolutionnaires ont défini le cadre légal des mesures de défense contre les acquisitions hostiles au Japon.
L’affaire Nippon Broadcasting System (2005)
Cette affaire a débuté lorsque le conseil d’administration de Nippon Broadcasting System a décidé, sans passer par l’assemblée générale des actionnaires, d’émettre un grand nombre de bons de souscription d’actions en faveur de Fuji Television, qui entretenait des relations amicales, en réponse à une proposition d’acquisition hostile de la part de la société Livedoor Co., Ltd.
Face à cela, la Cour d’appel de Tokyo a accordé l’injonction provisoire demandée par Livedoor pour empêcher l’émission des bons de souscription d’actions. Le jugement a établi un cadre d’évaluation selon lequel même l’émission de bons de souscription d’actions, si son « objectif principal » est de maintenir ou de sécuriser le contrôle d’un actionnaire spécifique, peut constituer une émission « manifestement injuste » et donc illégale. La cour a statué que, sauf preuve de « circonstances particulières », telles que l’acquéreur abusant de manière inappropriée des actifs de la société, de telles émissions visant à maintenir le contrôle ne sont pas autorisées. Dans ce cas, il a été jugé que Livedoor n’avait pas apporté de preuves suffisantes pour être considéré comme un tel acquéreur abusif.
L’importance de ce jugement réside dans le fait qu’il a considérablement limité la capacité du conseil d’administration à utiliser l’augmentation de capital par attribution à des tiers comme mesure de défense en cas d’urgence. La préservation de la direction n’est pas un objectif légitime, et pour justifier les mesures de défense, la société cible doit prouver concrètement l’abusivité de l’acquéreur, ce qui représente un seuil élevé à franchir.
L’affaire Bulldog Sauce (2007)
Confrontée à une offre publique d’achat par le fonds d’investissement américain Steel Partners, Bulldog Sauce a convoqué une assemblée générale des actionnaires et obtenu l’approbation pour activer une mesure de défense de type poison pill. Cette mesure consistait à attribuer gratuitement des bons de souscription d’actions à tous les actionnaires, tout en refusant l’exercice de ces droits à Steel Partners (considéré comme non éligible) et en permettant à la société de racheter ces bons contre de l’argent, une disposition discriminatoire. Steel Partners a intenté une action en justice pour empêcher l’émission, arguant que cela violait le principe d’égalité des actionnaires énoncé à l’article 109 de la loi japonaise sur les sociétés.
En fin de compte, la Cour suprême du Japon a jugé cette mesure de défense légale. Sa décision a jeté les bases de la pratique de défense contre les acquisitions au Japon. La Cour suprême a indiqué que le principe d’égalité des actionnaires n’est pas absolu et qu’un traitement discriminatoire peut être autorisé dans une mesure raisonnable si l’acquisition du contrôle par un actionnaire spécifique nuit à la « valeur de l’entreprise et aux intérêts communs des actionnaires ». Elle a également affirmé que c’est aux actionnaires, propriétaires de la société, de décider finalement si l’acquéreur représente une telle menace. Dans ce cas, le fait que la mesure de défense ait été approuvée par une majorité écrasante de 83,4 % lors de l’assemblée générale des actionnaires, où Steel Partners avait eu l’occasion de participer aux discussions, a été jugé significatif. La Cour a souligné que cette claire « volonté des actionnaires » devait être respectée. De plus, étant donné que Steel Partners recevrait une compensation financière équitable pour ses bons de souscription d’actions, la mesure a été jugée ne pas manquer de « proportionnalité ».
Ce jugement de la Cour suprême a donné son aval à l’utilisation de poison pills discriminatoires, tant qu’ils sont basés sur un soutien clair et écrasant des actionnaires. Cela a établi le « principe de la volonté des actionnaires » comme clé permettant au conseil d’administration de mettre en œuvre des mesures de défense puissantes.
Comparaison des principales méthodes de défense contre les acquisitions sous le droit japonais
En comparant les caractéristiques stratégiques des principales méthodes de défense contre les acquisitions que nous avons précédemment expliquées, nous pouvons les organiser comme le montre le tableau ci-dessous. Cette comparaison clarifie le timing de mise en œuvre, les mécanismes, les exigences légales et les risques inhérents de chaque méthode, servant de guide pour les entreprises afin de considérer la stratégie la plus adaptée à leur situation.
Stratégie de défense | Moment de déclenchement | Mécanismes principaux | Exigences légales | Risques principaux |
Pilule empoisonnée de type préventif | Introduction en temps de paix, activation en temps de crise | Dilution des actions par l’attribution gratuite de droits de souscription d’actions | Décision du conseil d’administration. Cependant, l’approbation de l’assemblée générale des actionnaires est essentielle en pratique pour l’introduction et la continuation | Critiques de protectionnisme de la direction, risque de litiges avec les actionnaires, cible de l’activisme actionnarial |
Augmentation de capital réservée à des tiers | Principalement activée en temps de crise | Émission de nouvelles actions à un tiers amical (chevalier blanc) pour stabiliser le pourcentage de détention des actions | Décision du conseil d’administration. Cependant, en cas d’émission avantageuse, une résolution spéciale de l’assemblée générale des actionnaires est requise. Si le maintien du contrôle est l’objectif principal, le risque d’interdiction est élevé | Risque d’interdiction en tant qu’émission “manifestement injuste”, dilution des parts des actionnaires existants, risque de violation du devoir de diligence des administrateurs |
Joyaux de la couronne | Activée en temps de crise | Vente d’actifs ou d’activités clés pour décourager l’acquéreur | Une résolution spéciale de l’assemblée générale des actionnaires est nécessaire pour le transfert d’une activité importante | Risque de dommage permanent à la valeur de l’entreprise, risque de dommages-intérêts pour violation du devoir de diligence des administrateurs |
Rachat d’actions propres | En temps de paix et de crise | Réduction des actions flottantes sur le marché pour compliquer l’acquisition | Établissement d’un cadre d’acquisition par résolution de l’assemblée générale des actionnaires, respect des réglementations sur les ressources financières (montant distribuable) | Risque de consommation importante de liquidités de l’entreprise et de perte d’opportunités d’investissement, suspicion de manipulation des prix des actions |
Tendances récentes : Les “Principes de conduite dans les acquisitions d’entreprises” du Ministère de l’Économie, du Commerce et de l’Industrie et l’activisme actionnarial au Japon
L’environnement des fusions et acquisitions (M&A) au Japon est confronté à une nouvelle phase, marquée par deux grandes tendances.
La première tendance est représentée par les “Principes de conduite dans les acquisitions d’entreprises” publiés en août 2023 (Reiwa 5) par le Ministère de l’Économie, du Commerce et de l’Industrie. Ces principes sont considérés comme un nouveau code de conduite dans la pratique des M&A au Japon. Il est particulièrement notable qu’ils remplacent l’expression négativement connotée “acquisition hostile” par “acquisition sans consentement” et “mesures de défense contre les acquisitions” par “politiques et mesures de réponse aux acquisitions”. Cela reflète l’intention politique de reconsidérer les acquisitions d’entreprises non pas simplement comme une menace, mais comme un moyen légitime de restructuration industrielle et d’amélioration de la valeur de l’entreprise. Les principes soulignent l’obligation pour les conseils d’administration d’examiner sérieusement les propositions d’acquisition authentiques et précisent qu’il n’est pas acceptable d’utiliser des mesures de défense pour retarder indûment l’examen de ces propositions. Ces principes imposent aux conseils d’administration qui rejettent une proposition d’acquisition de fournir une explication logique et convaincante de la manière dont cela nuirait à la valeur de l’entreprise, renforçant ainsi la position des acquéreurs qui font des propositions sérieuses.
La seconde tendance est l’émergence de l’activisme actionnarial, connu sous le nom d'”actionnaires activistes”. L’activité des activistes n’est plus une exception, mais est devenue une force dominante sur le marché des capitaux au Japon. Les activistes soutiennent que des mesures de défense contre les acquisitions, telles que les pilules empoisonnées, protègent indûment la direction, maintiennent les cours des actions à un niveau bas et privent les actionnaires de la possibilité de bénéficier d’une prime d’acquisition. Ils proposent activement des résolutions d’actionnaires demandant l’abolition de ces mesures. Sous la pression de ces activistes et des recommandations de vote contre émises par les sociétés de conseil en exercice des droits de vote, le nombre d’entreprises japonaises adoptant des mesures de défense contre les acquisitions est en effet en baisse.
Ces deux tendances placent les conseils d’administration des entreprises japonaises dans une situation de “tenaille”. D’un côté, le gouvernement (Ministère de l’Économie, du Commerce et de l’Industrie) exerce une pression pour engager un dialogue constructif avec les proposants d’acquisition, et de l’autre, les actionnaires activistes cherchent à éliminer les mesures de défense qui pourraient servir de levier dans ces négociations. Ce dilemme stratégique transforme fondamentalement la nature des mesures de défense contre les acquisitions. Leur rôle de “remparts” permanents s’estompe pour devenir un “bouclier de négociation” temporaire, dont la nécessité doit être constamment justifiée aux actionnaires. Ce qui est désormais demandé aux conseils d’administration n’est pas simplement de “défendre”, mais de continuer à démontrer aux actionnaires la création d’une valeur d’entreprise à long terme si convaincante que toute prime d’acquisition ne semble plus attrayante. Cela pourrait bien être le nouveau paradigme de la gouvernance d’entreprise au Japon.
Résumé
Le paysage juridique et stratégique entourant les acquisitions hostiles et les mesures de défense en vertu de la loi sur les sociétés au Japon (日本の会社法) est extrêmement dynamique et complexe, façonné par l’accumulation de jurisprudence, l’élaboration de directives gouvernementales et les changements dans la dynamique des marchés de capitaux. Pour les dirigeants d’entreprises modernes, il est essentiel de pouvoir prendre des mesures de contre-attaque efficaces dans les limites légales tout en respectant la volonté des actionnaires et en préservant la valeur de l’entreprise et l’intérêt commun des actionnaires. Naviguer avec compétence dans ce domaine nécessite une connaissance approfondie des pratiques juridiques actuelles et une expertise spécialisée.
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